1967 Convoyage

Dominique Provin
01 mars 2012

* 1967 Convoyage. Rentrée au CNAM. 
Camaret. Lentilles de Fresnel
Départ pour RoscoffJerseyGuernesey
Officiers de Port anglais
Cherbourg
 Votre rentrée scolaire est faite ! 
Ingénieur CNAM
Conservatoire National des Arts et Métiers
* 1967/1968 Concarneau. Vieux Thonier rénové 
1967 Chef de Bord à l’École de Voile des Glénans
1968 Le Mentor. Les courants. Le 1000. Régates
* 1969 Cogolin. Le ferro-ciment 
1969 Bel Espoir du Père Jaouen
1969 20 ans en Mai 1968 !
Construire un bateau, voyager ?
1969 Ce qu’aime Dominique
Ingénieur géomètre sur la ZUP Sud Rennes
1970 Changer de métier 1972 
Saint-Malo
Devenir architecte naval

* Bateaux ferro-ciment. Rose Noire Goélette 15,50
1972 ARVOR 12,40 Ecole des Glénans. Architectes 
Passeport Escale
* 1973 Construction Goélette 16 m.
1973 Carène Pen Duick VI
50 ans plus tard. Asso Tabarly. Cité de la Voile
* 1973 Service militaire, Traversée Manche. Îles Scilly
Catastrophes pétroliers. Plan Polmar de sauvetage
Abeille Bourbon. Canal 16
Devenir architecte ? 1977 Armagnac 8,55
Romanée 10,50
* Vedette 11m Hydrojets. Vedettes 10,70 ; 11,50 
1978 Mini 6,50
Bateaux de Grand Voyage. ARMEN 1100.
ATCH 10,50. ALIX 11,80. AVEL 11,80 DL.
ASTROLABE 1100. ATOLL 10,10. ALU 10,10
Carènes développables 
acier et alu. ALIBI 1100 
ACHIL CC 13,50 Carène à 2 bouchains
Présentation ARMINEL CC 11,80 Bois-moulé Époxy
1980 Finalement c’est la Liberté !

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PARCOURS
Devenir architecte naval

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1967  Convoyage. La rentrée en Ecole Supérieure


Convoyage. Départ de Concarneau

Fin août, une demande de convoyage pour un voilier de 9 mètres circule dans les couloirs de la Réserve de l’École de Voile des Glénans. Dominique, chef de bord, se propose pour ce convoyage qui doit emmener ce voilier de Concarneau à Dieppe. L’équipage est formé avec deux jeunes moniteurs. Le propriétaire, qui se présente comme un piètre marin, se réjouit de ce départ.

Retour de pêche à Concarneau
Au départ, sortie par le chenal de Concarneau. Rencontre avec un pêcheur.
Balise rouge à bâbord quand on rentre.
Photos D. PROVIN 2018
Chenal de Concarneau
Tourelle du Cochon
Chenal de Concarneau. Tourelle du Cochon. Quand on rentre dans un port on laisse
les balises rouges à bâbord et les balises vertes à tribord. Pour sortir c’est… l’inverse !

Photo D. PROVIN 2018
Passage à la Pointe du Raz de Sein
Pointe du Raz de Sein. Phares de La Vieille et de La Plate visibles par beau temps
Photo D. PROVIN
Arrivée à Camaret
Camaret-sur-Mer Coucher de soleil 2018
Ce nouveau Port de Plaisance sur pontons de Camaret-sur-Mer
n’existait pas encore en 1967
Photo D. PROVIN

Suite du convoyage sur le 9 mètres.
Le passage par le Raz de Sein se fait dans la brume. Navigation à l’estime.
Angoisse. La route est dessinée, calculée et recalculée à la table à cartes.
Soudain la brume se lève et l’équipage est devant Camaret !

Balise Est
Balise Est visible par beau temps
Photo D. PROVIN

Dans le Raz de Sein, la seule bouée en plein courant que l’on a vue n’était pas sur la carte du SHOM, la carte officielle en noir et blanc, celle de toutes les marines. Oui, le propriétaire concède qu’il a acheté à un capitaine de cargo en désarmement un lot de cartes anciennes, très anciennes même. Et c’est avec ces cartes que l’on a navigué. Bon, mais c’est la même côte et les mêmes rochers, reste à être sûr de sa navigation à l’estime.
C’est bien la preuve qu’une estime bien calculée, avec la vitesse des courants et le coefficient de marée du jour, en tenant compte de la dérive du voilier et en estimant la vitesse du bateau (car il n’y a pas de loch de vitesse à bord) permet d’arriver à bon port malgré la brume. CQFD.
Dominique le re-ferait-il dans la brume et sans instrument de navigation ?
Avec autant d’angoisse, pas certain !
Le passage se refera de nombreuses fois, par beau temps et avec les nouveaux instruments électroniques de navigation.

Camaret Pointe de Pen Hir
Camaret Pointe de Pen Hir La côte par beau temps
Photo D. PROVIN 2013
Camaret Passage aux Tas de Pois
Camaret Passage aux Tas de Pois par beau temps
En route vers la passage du Toulinguet
Photo D. PROVIN 2013
Camaret Passage aux Tas de Pois
Camaret Passage aux Tas de Pois par beau temps
Photo D. PROVIN 2013

CAMARET : Ex-voto et Tour Vauban

Ex-voto
Ex-votos dans l’église de Rocamadour à Camaret-sur-Mer
Photo D. PROVIN
La Tour Vauban
Camaret-sur-Mer. La Tour Vauban. La sécurité d’un port bien abrité.
Photo D. PROVIN

Ex-voto. Le marin pris dans la tempête faisait vœu d’offrir à la Vierge
ou à un Saint de son église une maquette de son bateau s’il survivait au naufrage.
Certains furent exaucés.

Gendarmerie Contrôle des bateaux
Contrôle en mer, en 2 clic sur toute l’Europe.
Bateau de la Gendarmerie Maritime, omniprésente, même
dans la brume.

Photo D. PROVIN 2013,2015,2016,2018,2020,2021,…
Le Sillon
Camaret. Le Sillon dans la brume
Cimetière des thoniers
Photo D. PROVIN 2013
Cimetière sur le Sillon
Camaret. Le Sillon par beau temps
Cimetière des langoustiers
Photo D. PROVIN 2013
Chapelle de Rocamadour
Camaret-sur-Mer Chapelle de Rocamadour et son clocher décapité
Photo D. PROVIN
Galets sur le Sillon
Camaret-sur-Mer Galets sur le Sillon
Photo D. PROVIN

En 1967, sur la grève du vieux port, appelée le Sillon, on pouvait encore voir le cimetière à bateaux des vieux langoustiers en bois qui disparaîtront quelques années plus tard au profit d’une esplanade goudronnée. Restera un magnifique poster en noir et blanc de ces vieux langoustiers. D’anciens bateaux de pêche en acier et en bois les remplaceront au pied de la Chapelle de Rocamadour, construite sur un rocher au bout du Sillon.
Le Roc’h a ma dour, du breton : Roc’h = rocher ; am a = au milieu ; Dour = eau, ce qui se traduit par : Le rocher au milieu des eaux.

Par contre, l’histoire d’un point de départ d’un pèlerinage pour Rocamadour dans la Vallée de la Dordogne, en Périgord, est une légende ! Reste de bien belles histoires autour de cette chapelle, une merveille de couleur avec ses pierres de roches rouges et marbrées venant d’une carrière proche de Camaret. Entre autres, l’histoire de son clocheton de pierre décapité par une canonnade depuis un vaisseau anglais en juin 1694. A ce jour, le clocheton est toujours décapité.
Ah ! Ces Anglais !

Revenir à Camaret en voilier par beau temps sera durant les cinquante années qui suivront un plaisir renouvelé et inépuisable avec, vus du port, d’exceptionnels couchers de soleil au travers de la Tour Vauban et de la Chapelle de Rocamadour.

Lentille de Fresnel
Lentille d’Augustin Fresnel
Photo carto.net
Phare de Ploumanac’h
Phare Men Ruz à Ploumanac’h.
Roches rouges.
Perro-Guirec, Côte d’Armor.

1967  Revenons à ce convoyage de fin de saison

Vient ensuite la remontée vers le Nord avec le passage du Phare du Four, un des endroits les plus difficiles des côtes françaises, qui se pratique avec la bonne marée et par beau temps. Laisser à bâbord deux des îles du Ponant, l’île de Molène et l’île d’Ouessant, pour arriver en Manche sur la Bretagne Nord. Après un temps de navigation, on aperçoit de très loin le grand phare de l’Ile-Vierge de 82 mètres, en granit, aux 365 marches. A virer à tribord dans le long chenal rocheux bordé de balises menant au port de l’Aber-Wrach.
Repas de crabe dormeur offert par le propriétaire à tout l’équipage. Merci au propriétaire.

Les phares sont visibles entre eux.
Tout au long des côtes de France, les phares sont visibles entre eux. Ils ont différentes portées en mer selon leur hauteur et celle de l’observateur.
En 1823, Augustin Fresnel invente une lentille qui concentre le flux lumineux en rayons parallèles et augmente d’environ 50% la luminosité : c’est la lentille de Fresnel. Et durant plus d’un siècle et demi, de nombreux marins arrivés à bon port ont adressé un grand Merci à Augustin Fresnel.
Merci Augustin de nous avoir éclairés, rassurés et guidés pendant nos navigations de nuit.

Les phares de Bretagne
Les Phares en Bretagne. Tous visibles entre eux. Set à offrir et à mettre sur toutes les tables de marins.
Le dessin des phares est exact et apporte une aide précieuse à la navigation
lorsque ce set se trouve sur la table à cartes du bord.
Set de Jos Le Doaré Châteaulin Dessin J-P ARCILE. A s’offrir et à offrir !

1968 Roscoff, Jersey, Guernesey

Guernesey
Saint-Peter Port de Guernesey
Photo historia.fr

Roscoff, Jersey, Guernesey

Départ pour Roscoff, vieille ville du XVIème siècle, et arrivée avec un échouage à quai dans le port ancien. Le nouveau port n’existe pas encore. Au moment du départ de Roscoff, pour rejoindre Jersey, la carte SHOM est introuvable ! Ne serait-ce pas le propriétaire qui, souhaitant prolonger l’escale, l’aurait fait disparaître dans sa cabine ?

Jersey. Départ quand même ! Un vieux pêcheur dans sa barque nous crie dessus et nous éloigne des hauts fonds. Et route vers le large. Merci pêcheur. Route sur Jersey pour une petite escale à Saint Hélier Harbour.

Guernesey. Départ pour Guernesey et le port de Saint-Peter avec à l’arrivée, au menu d’un restaurant, La soupe de tortue offerte par le propriétaire.
Un minuscule morceau, cela va de soi. Pauvre bête ! Fou rire de l’équipage.

Départ pour l’île d’Aurigny. Dès la sortie de Guernesey, le vent faiblit et le moteur cale. Le courant nous emporte plus vite que le vent ne nous fait avancer. Le marnage de la marée est de 12 mètres, donc le fort, très fort courant nous fait dériver entre Herm et Sark, petites îles qui font partie du bailliage de Guernesey. Une tourelle en pierres se rapproche et le voilier est sur le point de se fracasser dessus ! Eh non ! Le courant entretient un fort boudin d’eau et le bateau s’équilibre sur ce boudin ! Derrière la tourelle de ces petites îles, il y a de l’écume et des roches ! Pas de panique, gardons notre sang-froid. L’équipier s’active sur le moteur qui démarre et, moteur à pleine vitesse, le bateau reprend sa route et s’éloigne de toutes ces roches écumantes. Le passage vers l’île d’Aurigny se fait de concert avec un petit cargo caboteur, à trois nœuds de vitesse. La mer est si houleuse que nous voyons, en l’approchant, lorsqu’il est à cheval sur une vague à l’avant et une autre à l’arrière, le dessous du cargo ! La vague passe et c’est l’hélice du caboteur qui se retrouve hors de l’eau et qui hurle.

Et ça continue pendant plusieurs heures. A bord du voilier, la coque escalade les vagues, de plus de 4 mètres, puis redescend, puis escalade à nouveau et redescend. C’est comme des montagnes russes. Les cœurs chavirent et la peur s’insinue. L’équipier qui a démarré le moteur craque ; il veut que ça cesse et veut descendre, là maintenant, tout de suite. Il sera repoussé à l’intérieur et fermement invité à se reposer, boire de l’eau et prendre un thé. Il est rapidement pris d’un affreux mal de mer et reste vautré dans le passage du carré au milieu des gâteaux secs et des fruits renversés que tous piétinent. Le propriétaire, un pharmacien belge, revenant de Brazzaville, au Congo, où il a exercé pendant quelques années, reste circonspect devant tout ce chaos. L’équipier encore valide et survivant résume la situation par un sonore :
Cap’taine, c’est le bo’del dans ta pi’ogue ! Eclat de rire général ! L’expression restera.
A l’arrivée à Aurigny, Aldeney pour les Anglais, chacun va pouvoir se remettre de ses émotions.

Cargo dans le mauvais temps
Cargo dans le mauvais temps
Photo rtbf.be

Îles Anglo-NormandesJersey, Guernesey, Aurigny
Comme pour tous les Ports de sa Majesté, nous sommes reçus avec beaucoup de fair play, courtoisie en français. Ce n’est pas à la bonne franquette. L’attitude des représentants de l’Autorité portuaire écarte toute familiarité. Ce serait choking ! Le capitaine de port pourrait s’étrangler. Ce serait le clash et nous serions, en français, choquing ! 

Les Officiers de Port
Nota Bene : dans les ports anglais, les officiers de sa Majesté – qui officient – sont tous en uniforme bleu marine foncé de la Royal Navy avec, aux épaules et sur la manche, galons et barrettes brodés d’or pour signaler leur grade. Avis aux Français indisciplinés : Grand Respect pour ces gradés, s’il vous plaît !!!
Ils ont tous les pouvoirs et le rappellent fermement aux contrevenants. Aux Îles Anglo-Normandes, chaque voilier ou vedette rentre avec discipline, en ligne de file, c’est-à-dire à la queue leu leu, dans les ports à écluses, pour aller à l’emplacement indiqué et numéroté qui lui est octroyé par l’autorité du port.

Gouvernement
Chaque île Anglo-Normande a son propre gouvernement, sa propre monnaie, ses propres billets, ses propres timbres. On y trouve beaucoup de banques. Ces îles sont des paradis fiscaux. Un peu, beaucoup, comme à Monaco qui est un rocher, et pas une île. Et, dans Paradis fiscaux, pour qui veut bien tendre l’oreille, on entend Paradisiaque !
Depuis 1254, dans ces îles, on parlait un dialecte du normand. Ces îles appartenaient au Duc de Normandie avant de revenir en 1460 durant la Guerre des Deux Roses à la Couronne d’Angleterre, tout en gardant leur indépendance ! Une histoire complexe pleine de rebondissements ! Le guernesiais est la langue traditionnelle de Guernesey, tout comme le jersiais est la langue de Jersey. L’anglais a supplanté le français comme langue officielle, mais l’ancien dialecte normand parlé dans les îles subsiste aussi marginalement.
A Guernesey, les actes officiels ont été rédigés en français jusqu’en 1948, nous dit-on ! Ben quoi ! 

 Votre rentrée scolaire est faite depuis 6 jours !

Arrivée sur Cherbourg, visite à bord des Officiels de la Capitainerie française.
Un message de sa famille attend Dominique :  
On vous recherche sur les côtes de France. Votre rentrée scolaire est faite
depuis 6 jours !
Les autorités françaises n’ont pas de contact avec les îles Anglo-Normandes, situées à 30 km des côtes françaises. A cette époque, il n’y avait que le téléphone fixe et les cabines téléphoniques. Cabines rouges pour les Anglais, sans lien avec le continent français.

Fin du convoyage
Fin du convoyage pour Dominique et retour aux études.

Dans les grosses houles

Un peu de philosophie. Dans les grosses houles, tout bateau, même petit, peut faire face. Ce n’est pas le bateau qui craque mais d’abord le marin-terrien ou le terrien-marin. Pouvoir faire confiance à un bateau solidement construit est essentiel. Cette navigation fera date pour l’architecte naval lorsqu’il calculera les échantillonnages de ses futurs bateaux.

1968  Ecole d’ingénieur 

Après le Bac E, dit Bac Mathématiques et Techniques, qui n’existe plus, Dominique intégrera l’Ecole d’Ingénieurs ESGT, Ecole Supérieure des Géomètres et Topographes, rattachée au CNAMConservatoire des Arts et Métiers, qui ouvre sur de nombreux domaines. Deux ans avec un niveau de math sup. et de math spé. avec en plus, les matières d’Optique, des outils de mesure à viseurs tel que le Théodolite et autres engins de précision, sans oublier les calculs de Géométrie Trigonométrique sphérique et une formation à la Photogrammétrie et à la Stéréoscopie avec les outils de l’époque.
La Géométrie Trigonométrique correspond à une série de formules de math qui provoquent des burn-out chez les étudiants ! On apprenait ces trente formules par cœur, nous, pauvres étudiants qui n’avions pas imaginé la calculette actuelle des ingénieurs contenant toutes ces formules.

Exemples de formules de Géométrie Trigonométrique sphérique
(ceci n’est pas un cours de maths)
Formules des demi-angles et demi-côtés
Soit s = 1/2(a + b + c) le demi-périmètre du triangle

pour les formules duales, avec σ = 1/2(α + β + γ) :


Sans oublier le dessin industriel en trois dimensions qui se fait sur une table à dessin. On y apprend toutes les normes des pièces, des vis et boulons, le dessin des soudures et les différents états des surfaces à usiner ainsi que la précision des différents assemblages qui vont de quelques microns à plusieurs dixièmes de millimètres.
Cette formation très polyvalente se faisait en 40 heures par semaine, auxquelles ajouter les devoirs, les exercices et la prépa des examens blancs du samedi matin.
Ces études se poursuivaient en alternance en entreprise sur deux années comme Stagiaire Ingénieur Géomètre-Topographe, avec un trimestre de cours en amphithéâtre aux Arts et Métiers à Paris.

Cette formation était sanctionnée par un Diplôme dit Préliminaire. Elle formait des Ingénieurs Topographes ou des Géomètres DPLG, diplômés par le gouvernement, 
c’est-à-dire assermentés au gouvernement.
Le Géomètre DPLG est celui qui garantit par un bornage l’authenticité des mesures des propriétés, devant l’Etat, le Cadastre, le Notaire.
Tel le Notaire DPLG qui enregistre les Actes de Propriété ou l’Architecte DPLG qui authentifie les surfaces des maisons et des pièces d’habitation.
Et gare à celui qui déplacerait une borne de limite posée par le géomètre DPLG, la sanction de l’Etat est lourde.

Gréement aurique
Rochers et Vieux gréement aurique, foc et trinquette, Grand-voile et voile haute dite de flèche
Photo D . PROVIN

1968  Pâques à Concarneau. Vieux Thonier

Mais revenons aux navigations de Dominique.
Dans le port de Concarneau, c’est un grand jour pour Christian et sa femme, gardiens de l’île du Loch aux îles de Glénan. A eux deux, ils ont restauré un thonier et aujourd’hui c’est jour de mâtage qui signe la fin des gros travaux de restauration. La grue saisit le mât en bois, énorme, immense, pour le descendre verticalement dans la cale. Au niveau du pont, c’est l’étambrai pour le calage du Grand-mât. On met ensuite en place les haubans, les galhaubans, les étais de clinfoc sur le bout-dehors, les étais de focs et l’étai de la trinquette. Les haubans sont raidis avec des cap-de-moutons à trois trous, dits tête de mort, dans lesquels on fait passer un bout appelé la ride et qu’on tend encore et encore. On voit revivre le vieux thonier qui fera des sorties sur les îles de Glénan pour les touristes. Ce sera pour Dominique l’occasion de barrer ce bateau lors d’une sortie en été. Une belle expérience de navigation à l’ancienne.

Le Biche
Thonier dundée à tape-cul
Immatriculé à l’île de Groix : GX 3864
Thonier dundée à tape-cul arrivant aux Iles des Glénan
Dernier thonier naviguant construit aux Sables-d’Olonne en 1934
rénové et remis à l’eau en Juin 2012
Longueur, 32 m. Longueur de coque, 21,1 m. Maître-bau, 6,62 m.
Tirant d’eau, 3 m. Tirant d’air, 23 m. Déplacement, 70 tonnes

Photo D. PROVIN
Thonier immatriculé à Camaret
Thonier 
Voiles depuis l’avant : Clin foc, Trinquette, Grand-voile avec sa voile de flèche. Artimon
Photo D. PROVIN
Thonier à tape-cul
Deux cannes pour la pêche au thon
Thonier vue arrière avec ses lignes de pêche
Photo D. PROVIN

Qui disait :
La Manche est grise, l’Atlantique est verte, la Méditerranée est bleue ?
Sûrement pas les impressionnistes !

Fromuth Peintre impressionniste de l’École de Pont-Aven
Charles Henry FROMUTH Barques à Concarneau
Peintre impressionniste américain 1866-1937 de l’Ecole de Pont-Aven
Poster Musée Pont-Aven
A voir et à revoir
Chenal de La Trinité-sur-Mer
Chenal de La Trinité-sur-Mer. Retour de régates
Photo D. PROVIN

Bateaux en pierre 

Un vieux pêcheur n’a pas voulu manquer l’événement du mâtage. Soudain, il attrape Dominique par la manche et commence à lui raconter les temps anciens. Il parle lentement, d’une voix rocailleuse, avec le fort accent breton de Concarneau. Ma Doué ! Les thoniers et bateaux de pêche étaient lestés par des pierres, de gros galets ramassés sur les plages et apportés jusqu’au port en charrettes.
D’où l’expression bateaux en pierre, ce qui signifie qu’ils étaient lestés par des pierres que les pêcheurs jetaient par-dessus bord au fur et à mesure de la pêche. Une vieille façon de naviguer chez les anciens qui remonte à plusieurs siècles. Certains terriens traduiront plus tard le Gaélique bateaux en pierre par bateau à la coque en pierre, alors que les coques étaient depuis toujours en bois !
Ce ne sont que les bateaux de grande taille, en bois, qui sont lestés de pierres, pas les plus petits, comme les curaghs de 7 m réalisés en peaux de vache goudronnées fixées sur des cerclages en bois souple aux formes de la coque.
Quand les Saints Irlandais, Saint Corentin de Quimper, Saint Malo, Saint Patern de Vannes et bien d’autres vinrent d’Irlande en Terre de Bretagne à partir du Vème siècle, sur des bateaux en pierre, cela sous-entend qu’ils débarquèrent nombreux, sur de grands bateaux en bois, lestés de pierres, avec tout leur clan, le ploug ou plouc. Plougastel, Plouharnel, Ploumanac’h ainsi que Plescop où l’on entend Plou de l’Escop, ce qui signifie Clan de l’Evêque.

Le vieux marin n’avait pas fini de raconter ses souvenirs et de surprendre Dominique : Un thonier avec ses voiles, partant pour la pêche sur une fin de mauvais temps, fut rejeté deux fois dans le port de Concarneau. Ho ! Gast ! A cette époque, il n’y avait pas de moteur sur la plupart des bateaux. Le capitaine fit charger son thonier de galets jusqu’à ce que le pont fût à fleur d’eau. La coque ainsi lestée n’avait plus de franc-bord et donc plus de prise au vent. La troisième sortie à la voile fut la bonne, l’excès de galets fut rejeté à la mer.  
Il n’y avait que la pêche pour nourrir les familles, et par tous les temps on devait sortir à la pêche.

1967 Stage de Chef de Bord sur l’Arche

L’Arche des Glénans
Voilier pour former les Chefs de Bord
de l’École de Voile des Glénans
L’ ARCHE. Voilier pour former les Chefs de bord
de l’Ecole de Voile des Glénans
Photo Archive Glénans

Le stage de Chef de bord des Glénans se fait à la Toussaint sur le voilier l’Arche de 10,50 m, construit en 1956 à la Base des Glénans. C’est la première fois que l’on construit en contre-plaqué un voilier. Ce fameux voilier a donné du fil à retordre aux architectes et constructeurs. Gilles Griot notre futur chef de bord, nous racontera les péripéties de cette construction, tant sur le plan technique que sur le plan humain pour les architectes-constructeurs.
Ce récit donnera à Dominique de quoi réfléchir à ces métiers plein de difficultés pour les architectes et les constructeurs. De nombreux défis sont à relever mais la joie est immense lorsque le bateau est mis à l’eau et qu’il navigue.

Gilles Griot, responsable aux Glénans, est le Capitaine de ce stage de formation aux Glénans. Avant le départ, la formation des stagiaires se fait dans le Lagon des îles. Un vent bien soutenu inaugure les prises de ponton à la voile. Comme presque tous les bateaux des Glénans, il n’a pas de moteur. Il est nécessaire de s’y reprendre à plusieurs fois pour apponter correctement. Ou bien les voiles sont affalées trop tôt et le voilier n’arrive pas jusqu’au ponton, ou c’est l’arrière de l’Arche qui dérape et le ponton qui se dérobe. C’est à chacun son tour de prendre le commandement. Pour Dominique, ce sera appontage réussi.

La Survie. Vient ensuite l’essai de la Survie. L’annexe du bord, de 3ème catégorie – le bib – est gonflé à la main et, en cas d’urgence, il est gonflé par une cartouche de gaz carbonique. C’est à cheval sur les boudins que l’on pagaie, à quatre, de toutes ses forces, face au vent, depuis la plage de Penfret jusqu’à un ponton flottant. Ramez ! Souquez ! Bottes et cirés sont abondamment mouillés. Epreuve collective réussie. Il est possible d’ajouter un petit mât et une petite voile pour se diriger. Un aviron servira pour godiller l’annexe ou bien fera office de safran. C’est la Survie dynamique préconisée par l’Ecole de Voile des Glénans. Chacun, sur son bateau, peut s’équiper en Survie dynamique, même si elle n’est pas obligatoire. Ne pas oublier son sac de survie, avec des bouteilles d’eau, un miroir pour envoyer des signaux lumineux, et une ligne de pêche équipée d’hameçons.

Stopper le bateau est une manoeuvre à maîtriser dans une situation d’urgence, par exemple pour secourir un homme à la mer, mais aussi soigner quelqu’un, faire un point de navigation pour trouver sa route, se reposer, cuisiner sans gîte, réparer quelque chose à bord… Pour stopper le bateau sous voiles : monter dans le vent, au près, et virer de bord en poussant la barre à fond, sans larguer le génois. Larguer un peu de grand-voile. Le foc ou le génois se retrouve à contre et la grand-voile est battante dans le vent. Le voilier stoppe immédiatement. Selon que l’on borde plus ou moins la grand-voile, le bateau est légèrement dérivant. Le voilier n’avance plus, ne gîte plus, la situation est à l’arrêt et devient confortable.

Un homme à la mer ! Savoir remonter un équipier tombé à la mer demande de l’entraînement. On jette par-dessus bord un pare-battage et on crie Un homme à la mer ! Stopper le bateau en poussant la barre, c’est le virement à contre. Dans le même temps, jeter par-dessus bord la bouée de sauvetage. La première personne qui a vu l’accident va suivre des yeux la personne tombée, ici le pare-battage. C’est le poste le plus important pour ne pas perdre de vue, dans les vagues, la personne tombée à la mer. C’est vraiment le plus important : cette personne indique, sans arrêt, lors de cet exercice, où se trouve le pare-battage (ou l’homme à la mer). Manœuvrer le bateau pour se rapprocher du pare-battage, soit au moteur, soit à la voile. Attention à la ficelle de la bouée de sauvetage, qu’elle ne se mette pas dans l’hélice ! Relever le pare-battage – ou l’homme à la mer – sous le vent du bateau où la mer est plus calme.
Comment relever une personne tout habillée, les bottes pleines d’eau ? Plus de 150 kg à relever, c’est le problème. Toute cette manœuvre doit se faire sans assommer l’homme à la mer avec le poids de la coque qui roule dans les vagues. Remonter la personne par l’arrière, ou remonter la personne, à l’aide du winch, avec la bôme de grand-voile utilisée comme mât de charge.

Allez, hop ! ACTION ! Commencer l’entraînement, par beau temps, avec un pare-battage !

Dominique nous confie « En 55 ans de navigation, je n’ai jamais eu cette manœuvre à faire avec un homme à la mer, mais au début de chaque croisière, je la fais faire à l’équipage et ce n’est pas gagné, même avec un pare-battage. Bien sûr, après plusieurs essais, tout le monde s’améliore et se coordonne mieux. Et devant les échecs répétés, chacun, chacune se familiarise avec les différents postes de sauvetage et respecte mieux les consignes de sécurité, à savoir, porter le gilet de sauvetage, s’attacher, vérifier la bouée de secours, avoir sa lampe et son sifflet, etc. Même si cette opération de secours arrive très rarement, quel plaisir pour chacun, chacune, que de se sentir plus en sécurité avec un équipage bien coordonné. On va pouvoir se faire confiance les uns, les autres. »

Navigation du Chef de bord. Revenons à notre stage de Chef de bord. Le deuxième jour, départ pour la mer d’Iroise. Passage du Raz de Sein et arrivée à Camaret-sur-Mer. Chacun, à tour de rôle, devient Chef de Bord et se met à la table à cartes pour faire la navigation et prendre le commandement de l’Arche. Celui ou celle qui est à la table à cartes calcule le cap, la dérive, les courants, l’heure et le coefficient des marées à l’aide du livre Le Marin Breton. Il ou elle relève la météo de France-Inter ou de la BBC, donnée en anglais par zones météo, et remplit le Livre de Bord heure par heure afin de calculer l’estime de la route. On apprend aussi à utiliser la Gonio pour se situer en mer, en relevant la direction radiogoniométrique donnée par les radio-phares.

GPS ? Vitesse. A l’époque, il n’y a pas de GPS. Il n’y a pas d’instrument électronique à bord ! La vitesse est calculée en jetant à l’avant un petit quelque chose qui flotte jusqu’à l’arrière. Connaissant la longueur du bateau, et mesurant le temps en secondes pour ce parcours, on calcule la vitesse. Bref ! En fait, à force de faire des estimes de temps et de distance entre deux points de la côte, le skipper apprend vite à apprécier et trouver la bonne vitesse du bateau. On peut aussi écouter le bruit de la coque dans l’eau ou évaluer le sillage d’écume du bateau ; l’estime de la vitesse se fait alors avec assez de précision.

Sondeur. Pour le sondeur, on utilise le plomb et une ficelle d’une douzaine de mètres que l’on jette vers l’avant et que l’on suit dans sa descente en marchant le long du pont, jusqu’à ce que le plomb touche le fond de l’eau. La ficelle a un nœud tous les mètres, on peut ainsi calculer la profondeur de l’eau.

Pour connaître la force du vent, c’est une juste évaluation du souffle de l’air sur le visage face au vent qui permet de connaître sa direction et d’évaluer sa force, donc de gréer les bonnes voiles.
Pour connaître la direction du vent et régler les voiles, on attache des petits rubans aux haubans, ce sont les penons. C’est simple, efficace et gratuit. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les penons et de régler au mieux les voiles. Aujourd’hui, les ficelles en plastique des sacs poubelles sont les meilleurs penons.
A présent, c’est l’installation en tête de mât d’une centrale électronique, fort coûteuse, qui donne au barreur l’orientation du vent sur un écran.

Pointe de Penmarc’h. Au retour de la mer d’Iroise, le vent se lève dans la nuit à la Pointe de Penmarc’h. Un bon force 7 souffle de façon soutenue. L’équipière, Chef de Bord à ce moment-là, souhaite en finir au plus vite en allant se réfugier dans le port de pêche du Guilvinec. L’entrée est pavée de roches déjà blanches d’écume et difficilement identifiables dans la nuit.

   

Dans la brume
On est où ?
Ciel gris. On est où ?
Photo D. PROVIN
 Phares à Penmarc’h, un soir de beau temps, 
situés à proximité de l’entrée du port du Guilvinec 
Pen Marc’h se traduit par Tête de cheval.
Beau tempsPhares Pointe de Penmarc’h
Photo villagelaplage
Orage
Penmarc’h. Orage de jour
 Photo D. Provin 2015
45 ans plus tard
Dominique, 45 ans plus tard avec un bien meilleur ciré.
Selfie D. PROVIN 2015

Notre skipper, Gilles Griot, n’hésite pas : Cap au large ! La sécurité se trouve toujours au large. Le bateau part au près, trop toilé, très gîté. L’eau rentre dans le cockpit et de là, à l’intérieur. On affale le génois. 
A endrailler le tourmentin ! Endrailler, c’est passer les mousquetons de la voile dans l’étai des focs, désendrailler, c’est retirer les mousquetons d’une voile de l’étai.
Reste à passer l’écoute dans le pontet du tourmentin qui est sous l’eau à cause de ce mauvais temps et de la gîte. A cette époque, l’enrouleur n’existe pas. Dans la nuit, la première tentative d’un des équipiers est un échec. A son tour, Dominique tente la manœuvre, il devra mettre le bras dans l’eau qui inonde le passavant du pont puis y mettre la tête et chercher à tâtons le pontet pour passer l’écoute. Opération réussie. 
A border l’écoute de tourmentin ! 

En allant vers le large, les vagues sont plus douces et l’on s’éloigne de celles qui déferlent à l’entrée du chenal du Port du Guilvinec. Au petit matin, lever de soleil au large des îles des Glénan. Les couleurs sont splendides, les nuages, de gros cumulus bouillonnants, sont irisés. Décor gigantesque pour un équipage bien lessivé. Le voilier Arche, bien brassé, vogue vers Concarneau, à toute allure et en toute quiétude sous un ciel tumultueux. Dominique terminera la navigation en pyjama, ciré jaune et brassière rouge. Il n’a plus un seul habit sec.

L’ARCHE est un bateau pour former les Chefs de bord des Glénans, un bateau très sûr ! Quel bel apprentissage sous la gouverne de Gilles !
Cap au large ! Apprendre à mettre en sécurité le bateau et l’équipage : une belle leçon qui sera retenue à vie ! Etre capable de dépasser ses peurs, de garder son sang-froid et de trouver des ressources inconnues en soi pour aller de l’avant. Merci Gilles ! Dominique devient Chef de Bord des Glénans. Il a 20 ans.
L’ARCHE.  Qui sait où se trouve aujourd’hui l’Arche ?
Ce monument résume toute l’histoire des Chefs de bord de l’Ecole de Voile des Glénans. 
Ce bateau est un monument d’histoire des débuts de la construction de plaisance en contre-plaqué.
Pour contacter Dominique, voir les coordonnées en bas du site.

Le Mentor
Mentor Ketch
Architecte Jean-Claude Meyran
Photo Hisse et Ho
Le Mentor Gréement de ketch
Mentor ketch 9 m
Architecte Jean-Claude Meyran

1968  Le Mentor aux essais

Naviguer dans les courants

1968 est une année riche en navigation, avec un passage pour un mois, dans la Gironde, à l’UCPA de Blaye, où la centrale nucléaire n’est pas encore construite. C’est un très grand apprentissage de la navigation dans les puissants courants de marée montante et de marée descendante de la Gironde, avec un Capitaine de la Marine de Commerce. Un marin exceptionnel.
Merci Capitaine ! J’ai oublié ton nom, mais pas ton enseignement.

C’est une navigation sur le tout nouveau voilier prototype de Jean-Claude Meyran, dessiné pour les écoles de voile, le Mentor 8,95 m en contre-plaqué avec deux mâts, gréé en ketch. Ce voilier donne entière satisfaction et se montre d’une grande manœuvrabilité dans les courants et dans les échouages sur les bancs de sable, nombreux sur la Gironde. Il suffit à l’équipage de sauter par-dessus bord pour alléger la coque de 1,30 m de tirant d’eau et de se déséchouer en poussant le Mentor en pleine eau, sans jamais lâcher le bord, par sécurité, pour ne pas voir le bateau emporté par le courant tandis qu’un équipier distrait resterait sur le banc de sable alluvionnaire. C’est arrivé une fois.

Et tout l’équipage de se re-hisser à bord pour repartir s’échouer jusqu’au prochain banc, car la Gironde est chargée d’alluvions d’argile. La visibilité dans l’eau y est nulle. Seul l’aviron de godille planté dans l’eau indique le tirant d’eau et le banc de sable alluvionnaire. En cas d’échouage sur un banc, le courant circule toujours autour de la coque, d’où l’illusion d’avancer. Tout l’équipage débute dans les courants et il lui faut un certain temps avant de réaliser que le Mentor est à l’arrêt sur un banc ! Il s’agit alors de prendre deux repères sur la côte, éloignés l’un de l’autre, et de vérifier, à l’aide de l’alignement de ces deux repères, si on avance ou si on recule. Précieux et irremplaçable apprentissage, pour toute la vie, des courants.

1968  Croisière sur le voilier Le 1000Orage en mer

En fin de saison, les moniteurs de l’UCPA font une croisière sur un voilier en polyester, très épais et très solide, Le 1000, un sloop de 10 m de long, avec moteur. L’année précédente, lors d’une descente de la Gironde, poussé par le vent et les courants, Le 1000 a heurté de plein fouet une des grosses balises en acier du chenal. Il a vu son étrave grande ouverte à hauteur de flottaison et plusieurs duvets ont été nécessaires pour boucher en catastrophe le trou béant. Ça calme l’envie de polyester et de tissus de verre.
Ne dit-on pas cassant comme du verre ? Et des coques cassées comme du verre, Dominique en verra d’autres.

La croisière sur Le 1000 nous emmène de Blaye en Gironde à San-Sébastian en Espagne. En soirée, un orage éclate avec des éclairs qui zèbrent le ciel et qui tombent en pleine mer à quelques encablures du bord. Magnifique et terrifiant à la fois. Un équipier va mettre de la chaîne d’ancre dans plusieurs haubans et fait descendre cette chaîne dans la mer pour que la foudre trouve un chemin direct du mât vers l’eau, au cas où le mât viendrait à être frappé par la foudre. Cet équipier précise que toucher les haubans, ces câbles en acier inox, lui donne des décharges électriques, comme des fourmillements. Il y a aussi ce moment où le mât s’illumine de boules de feu. C’est très beau, tous ces feux jaunes de Saint-Elme dans le mât en alu, mais ça fait peur.
Un peu trop proches, vraiment trop proches, toutes ces boules de feu !

Dans la nuit, l’orage s’éloigne. Au petit matin, tous de rire lorsque Dominique sort de sa cabine avec les cheveux salés par les embruns, dressés sur la tête. Effets puissants de l’électricité statique.
Aurions-nous pu griller comme des saucisses dans cet orage ?

Dans les futures constructions, les installations électriques seront sécurisées et spécialement protégées par de grands fusibles. Pour le moteur, des précautions seront prises afin de préserver les équipements du bateau en cas de foudre car la puissance électrique du coup de foudre en mer remonte aussi par l’hélice, l’arbre moteur, le moteur, tout le réseau électrique, les batteries et le tableau électrique. Installer deux coupe-circuits sur le circuit électrique, le plus et le moins, s’imposera.
Destructions et incendies sont parfois la conséquence d’un coup de foudre, comme en Bretagne Sud, au Port du Barrage d’Arzal, le plus grand port en eau douce de France, avec 1700 places, où trois bateaux ont littéralement fondu lors d’un incendie déclenché par la foudre.

1968  Régates en Corsaire

Le Corsaire de 5,50 m a toutes les qualités de sécurité, de maniabilité, de confort rustique pour un budget modeste. C’est un plan Jean-Jacques Herbulot en contre-plaqué qui est construit par le Chantier Stéphan de Concarneau.

Cette année-là, le Centre de voile de l’UCPA à Blaye inscrit ses trois Corsaires aux régates de Royan. Dominique est le skipper de l’un de ces Corsaires.

Le temps se dégrade très vite en baie de Royan et le départ est maintenu malgré un vent de Force 6. Trente partants, trois arrivants, des bômes cassées, un mât cassé, des voiliers en fuite. Les virements de bord au près sont impossibles, alors on vire de bord par empannage, c’est-à-dire vent arrière.

Le Corsaire 5,50
Corsaire 5,50 m dans la vague

Attention, parés à virer !  Gîte à 40 degrés d’un bord puis autant de l’autre, passage contrôlé de la bôme sans se faire assommer. Le cockpit se remplit d’eau de mer et se vide. Les deux grands coffres de cockpit sont pleins à ras bord mais, eux, ne se vident pas. Avec un vent contre-courant, les vagues se lèvent de plus de quatre mètres sur les hauts fonds de sable alluvionnaire. La visibilité est des plus médiocres, les rives disparaissent dans les embruns et la pluie. Et dans ce chaos, à la stupéfaction de notre équipage, apparaît un petit dériveur genre 4,70 m, vent arrière sous spi, qui plane sur les vagues avec les deux équipiers au rappel ! Hallucinant ! A l’arrivée, Dominique apprend que ce sont les frères Yves et Marc Pajot, en dériveur Flying Dutchman, à l’entraînement ! Deux futurs champions olympiques ! Ils décrocheront la Médaille d’argent en 1972 aux Jeux Olympiques d’été de Munich ! Respect !

Première place. A l’arrivée, le comité des régates de Royan décerne à Dominique la première place des trois arrivants en Corsaire ! Il refuse de se présenter à la remise des coupes de la régate. Pour lui, il est complètement fou et irresponsable de faire naviguer ces petits bateaux, avec des équipages de vacanciers, pas forcément tous préparés pour ce furieux coup de vent. On notera 27 abandons sur 30 partants. Heureusement, personne n’est tombé à la mer. Il aurait été difficile de retrouver un homme à la mer et encore plus de le remonter à bord, dans ces vagues, dans ce courant et ce vent. Merci là-haut !
A l’époque, en 1968, aucun de ces voiliers n’avait de moteur !

1968  Permis de conduire
C’est l’année où Dominique passe son permis de conduire en voiture. Deux ans de pratique seront nécessaires pour acquérir une conduite avec assurance et fluidité, d’abord sur une 2CV puis sur une 4L.
Ce sera une première approche des moteurs et de la mécanique.

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1968 : La construction de bateaux en ferro-ciment

1980 vers la Liberté

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